Hangzhou 2/3 - Wang Shu et l'Académie des Arts

Publié le par gudule

 

 

Le lendemain en bonne architecte qui se respecte j'ai payé hommage à notre dernier prix Pritzker qui célèbre un grand architecte et je suis allée voir le campus de l'Académie des Arts de Hangzhou par Amateur Architecture Studio (Wang Shu).

 

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J'ai été autant positivement marquée par un grand nombre de qualité que profondément déçue par certains détails qui me tiennent à cœur. Je serai une terrible critique.


Je commence à connaître les caractéristiques de l'Architecture de l'Anhui, le style local autour de Hangzhou, du coup je saisis tout à fait l'excellent hommage fait notamment dans l'usage nouveaux et audacieux des matériaux de cet immense campus pour l'architecture traditionnelle, en voie de destruction dans les villages locaux. Les jeux de plein et vides de briques, les lourdes tuiles traditionnelles, l'immense travail sur les toits, les jeux avec les bassins et les reflets, la ré-utilisation et l'évolution des cours intérieures chères à l'architecture Chinoise, les bambous partout, et bien entendu la disposition des bâtiments vis à vis des collines, rivières et lacs est absolument admirable et forme un ensemble extrêmement cohérent et agréable. On se sent dans un savant mélange entre nature et architecture, ombre et lumière, bois et pierre, à l'image des jardins Chinois dont j'ai souvent disserté.


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Les espaces libres et cours intérieures et longues coursives interminables semblent aussi très bien adaptées à une école d'art dont les étudiants sont généralement avides de ce genre de non-espace pour le remplir de choses et d'autres à en juger par les sculptures et maquettes posées un peu partout. Le nombre impressionnant de voies de circulation aériennes ou de connexions entre les différents bâtiments en fait un ensemble pratique à utiliser par beau comme par mauvais temps.

 

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Cependant, mais c'est QUOI le problème avec la Chine et ses matériaux de MERDE ? La tour CCTV de Koolhass est déjà en train de rouiller au milieu de ses barrières impénétrables à Pékin, et tous les bâtiments neufs prennent l'eau à la moindre tempête... mais je me m'attendais à une qualité toute autre de la part d'un architecte local (terme dont on le décrit maintenant). Certes, l'architecture Chinoise, depuis des millénaires est éphémère et conçue pour être reconstruite à l'infini plutôt que de braver les siècles... mais ce campus est déjà dans un état de ruine alors que les parties les plus anciennes datent de 2002 et les plus récentes de 2007. Toutes sont envahies de végétation bien implantée qui fait exploser les pierres et obstruent les ouvertures tandis que le béton coule, la peinture est en miette et l'ensemble donne une impression de décrépis.

 


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Enfin, je ne fait pas l'apologie du fonctionnalisme mais il y a des limites. Deux magnifiques passerelles élancées et dynamiques s'élancent depuis les bâtiments du campus pour franchir la rivière et finir dans la colline envahie de forêt exprimant intensément ce parti pris de lien vers la nature. Je me dis : « excellent ! Un grand geste qui invite les étudiants à aller méditer en forêt et parcourir les lieux loin de l'agitation... » Je galère un moment à trouver l'entrée de la première passerelle planquée par un énorme buisson de lierre, toute heureuse d'avoir une vue sur le campus. Déception. Frustration. La passerelle aboutie dans rien.

 

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Deuxième passerelle, même topo, de l'autre côté. Celle-ci accède en un bout à la colline et l'autre bout se termine en impasse fermée par des barrière et un pauvre escalier rajouté en son milieu permet de joindre la tour du projet.

 

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Pour finir, les magnifiques coursives irrégulières qui invitent à la promenade aléatoire sur la façade et dans les entrailles du projet... c'est très beau mais quand elles se rejoignent plus ou moins et qu'on marche sur celle de dessous, on se cogne la tête contre le béton de celle du dessus ! Et c'est pas que je suis plus grande que les Chinois ! Aaaaah !


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Et plein d'endroits sont dépourvus de garde-corps et accessibles et m'ont donné le vertige tellement c'est dangereux... mais ça j'ai l'habitude de trouver ce genre de situation en Chine tellement les normes de sécurité sont inexistantes. En plus ça donne une liberté et une beauté dans l'architecture qui se trouve bien moins polluée par des gardes-fous en métal hideux que dans notre chère France et ses normes qui font tourner les architectes en bourriques.

 

 

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Bref, un avis mitigé sur la qualité du projet. J'y retrouve malheureusement les caractéristiques de l'architecture contemporaine Chinoise d'aujourd'hui : de grands gestes, des grands partis-pris, de belles formes et des beaux discours mais comme d'habitude une grosse déception dans les détails, la qualité des matériaux et dans le peu de maintenance.

Pour sa défense, l'utilisation des caractéristiques Chinoise, que certains qualifient de honteux pastiches, est une vraie révélation et un geste extrêmement puissant pour un peuple qui détruit méticuleusement sa culture ancestrale et son patrimoine artistique et architectural depuis les années 60 avec une vigueur accrue depuis les années 80. De plus, la Chine est la reine du pastiche et du copier/coller et elle le fait très bien alors que ce qui est exprimer ici est comme une quintessence de caractéristiques Chinoises appliquées et magnifiées dans un usage contemporain. Rien à voir avec les copies habituelles (lire le mystère du temple de Jing'an).

 

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C'est un campus qui se parcoure comme le Jardin Yu ou les Jardins de Suzhou. On s'y perd, on découvre de nouveaux points de vue, on passe de l'intérieur à l'extérieur sans vraiment le remarquer tellement la richesse des passages « gris » est prenante et la clémence des températures pratique. Comme un jardin on erre entre nature et bâtiments posés là comme par hasard alors que tout est calculé pour le maximum d'effet et de surprise, toujours une fenêtre, une cour, un couloir... va cadrer la colline et ses forêts.

 

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Comme le jardin antique des lettrés il est voué à la destruction et la reconstruction approximative par faute d'entretien et d'intérêt. Histoire de culture je pense. Des millénaires d'architecture éphémère ne peuvent disparaître ainsi... et finalement cette idée me rassure bien plus sur l'avenir de l'architecture Chinoise en lien avec ses racines que l'utilisation de ses façaces de briques et de ses toits en courbes, même aussi bien réussis que ceux de l'Académie des Arts de Hangzhou.

 


Publié dans Architecture

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