J'avais oublié...
Ma petite soeur est arrivée durablement à Shanghai avec les quelques étudiants de son école, et ils découvrent la vie Chinoise peu à peu. Au même moment, un nouveau collègue français débarque à l'agence et aborde cette nouvelle vie avec enthousiasme, surprise, exclamations et éclats de rire.
Les premiers jours.
C'est marrant, mais j'avais oublié...
... ce sentiment étrange d'être au milieu de gens de race asiatique, d'être blanc, d'être différent, peut-être, pour la première fois.
... la galère d'attraper des nouilles dans des grands bols de soupe avec des baguettes.
... le grand sourire béhat, admiratif et halluciné en arrivant sur le Ring de Lujiatzui et de se sentir au centre...du centre du monde.
... la gène d'être scruté, analysé, et parfois copié ou suivi par les curieux locaux...
... la timidité, la peur, le malaise de ne pas comprendre, de ne pas être comprise, de ne pas oser aller, là, devant ce marchand de fruit et acheter une pomme.
... le besoin de prendre des photos ou vidéos de TOUT. La plaque d'immatriculation de Shanghai, la pub avec Nathalie Portman qui parle Chinois, les carioles de chaises, les baguettes et les bols, ce que je mange tous les jours, le vieux monsieur dans le métro...
... l'appréhension à l'égard des gardiens d'îlots, avec leur grande casquette policière, leur long manteaux et les épaulettes, ceux qu'on voit partout et qui nous observent... hinhinhin...
... un samedi dans la station de métro de People's square, heureusement qu'il y a 8 rangées d'escalators...
... qu'il fallait marcher, marcher et marcher... que j'ai déjà 7 paires de pompes pour tous les temps, toutes confortables, et toutes dont les talons sont déjà usés jusqu'à la corde...
... que les Chinois ne marchent pas vite, qu'ils se promènent tranquillement, paisiblement, en prenant leur temps, dans la marée folle des voitures et du bruit...
... que partout où tu vas, le matin ou le soir, dans un petit coin de rue, on voit un papy qui danse et fait du tai-shi, avec des vêtements larges et des gants colorés, qu'il a mis sa radio avec de la musique comme dans Tigres et Dragons... mais que ce qu'il fait, là, maintenant comme tous les matins, est bien plus sérieux que Tigres et Dragons...
... la musique très forte dehors des salons de coiffure...
...que les jeunes Hipsters Chinois, grosses lunettes/costumes 3 pièces tweed et noeuds papillons, ont exactement la même permanente que les nouvelles quinquagénaires fashion Chinoises...
... un peu tout de mon étonnement du début, de cette frénésie des premiers mois.
scène quotidienne Shanghaienne. Entre modernité et vieilleries recollées, filles en rose et garçons porte-sacs, regards curieux et embouteillages, dans un brouhaha devenu agréable.
Maintenant, je n'ai plus le réflexe "photo", je joue à tétris sur mon smartphone, j'ignore les regards, j'évite les vieux qui m'observent et je pousse les gens qui m'empèchent de sortir de la rame.
Maintenant, j'en peux plus de la soupe oeuf/tomate, la sauce soja m'écoeure, et les lanières de tofu avec du céleri ne font plus mon bonheur.
Je ne sursaute plus quand on me klaxonne dessus, au contraire, je l'apprécie beaucoup, ça m'évite de tourner la tête et me préviens qu'un véhicule s'apprète à me rouler dessus.
A Watsons, j'ai cessé de déchiffrer les étiquettes de shampoing pour savoir si ce que j'achète est approprié à mes cheveux, dans les magasins de chaussures je ne regarde plus les vitrines mais je rentre direct en demandant "quelles chaussures vous avez en 40 ?".
J'ai mes habitudes de mon marchand de baozi préféré, mon starbuck's coffee préféré avec les meilleurs sièges, ma boisson fétiche des magasins de jus Coco, ma librairie favorite avec le rayon français, mon bar du mardi soir, mon club du vendredi soir...
J'ai ma routine. Je file et ne regarde plus. Je ne sais plus m'étonner.
Je vis à Shanghai.
Vivement les beaux jours et vivement les week-ends libres qui me redonneront ma curiosité insatiable !
Au prochain article, des photos dignes des brutalistes tirées d'une sélection de mes clichés sur les infrastructures Chinoises... Ou, un matin au temple de Jing'An.
Zaijian !
PS : maaaiiiiis non je ne suis pas déprimée ! Du tout ! L'hiver est long et j'ai hâte d'avoir deux jours libres de rang et sans pluie pour aller trotter dans les ruelles de Shanghai et prendre plein de photos !